Après un voyage long et épuisant, le Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, arriva finalement aux portes de Yathrib. Les habitants de la cité sortirent pour l’accueillir, et une foule se réunit, envahissant les rues étroites de la ville. Certains étaient montés sur les toits des maisons en répétant allègrement les formule "Lâ ilâha illallâh&, Il n’y a de dieu que Dieu" et "Allâhu akbar, Dieu est le plus Grand". Ils manifestaient ainsi leur joie de rencontrer le Prophète de la Miséricorde et son loyal compagnon, Abû Bakr As-Siddîq. Les petites filles de la cité défilaient également avec entrain, et tout en agitant leurs jonquilles, elles fredonnaient en guise de bienvenue ce poème désormais célèbre :
Tala`al-badru `alaynâ *** Min thaniyyâtil-wadâ’
Wajabash-shukru `alaynâ *** Mâ da`â lillâhi dâ`
Ayyuhal-mab`ûthu fînâ *** Ji’ta bil-amril-mutâ`
Ji’ta sharraftal-madînah *** Marhabay-yâ khayra dâ`
Traduction
La pleine lune s’est levée sur nous, depuis les collines de Thaniyyât Al-Wadâ`.
La gratitude s’impose à nous, aussi longtemps qu’un prédicateur appellera à Dieu.
Ô toi qui a été envoyé parmi nous ! Tu es venu avec un commandement auxquels nous obéirons.
Tu es venu et tu as fait honneur à notre cité. Sois le bienvenu ! Ô toi le meilleur des prédicateurs !
Durant toute la procession du Saint Prophète, les gens manifestaient leur joie sur son passage, versant des larmes de bonheur et souriant joyeusement, le cœur rempli d’allégresse.
Loin de ces scènes de jubilation, se trouvait un jeune homme du nom de `Uqbah Ibn `Âmir Al-Juhanî. Il s’en était allé aux vastes lisières du désert, afin de faire paître son troupeau de moutons et de chèvres dans une végétation rarissime. Il avait longtemps erré à la recherche de fourrage pour ses bêtes affamées. Il était difficile de trouver un bon terrain de pâturage, et il appréhendait constamment que son troupeau périsse. Ils étaient tout ce qu’il possédait et il ne souhaitait pas les perdre.
L’allégresse qui avait envahi Yathrib, connue désormais comme la Cité Radieuse du Prophète, s’était bientôt répandue et avait atteint tous les coins du territoire. La bonne nouvelle de l’arrivée du Prophète parvint finalement à `Uqbah alors qu’il veillait sur son troupeau loin dans ce désert ingrat. Sa réaction face à cette nouvelle fut immédiate. Il relate lui-même l’histoire de sa rencontre avec le Prophète : "Le Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, était venu à Médine alors que je veillais sur mon troupeau. Lorsque j’appris la nouvelle de son arrivée, je me mis immédiatement en route pour le rencontrer. Dès que je le vis, je lui demandai : "Acceptes-tu mon serment d’allégeance, Ô Messager de Dieu ?
- Et qui es-tu ? me demanda t-il.
- `Uqbah Ibn `Âmir Al-Juhanî, lui répondis-je.
- Lequel préfères-tu, demanda le Prophète, le serment d’un nomade ou celui d’un Emigré ?
- Le serment d’un Emigré, répondis-je." Le Messager de Dieu prit alors mon serment d’allégeance comme il le fit avec les Emigrés. Je passai la nuit en sa compagnie en ville et retournai ensuite à mon troupeau.
Nous étions douze à avoir embrassé l’Islam mais nous vivions loin de la cité, occupés à garder nos moutons et nos chèvres en rase campagne. Nous parvînmes à la conclusion qu’il était préférable pour nous de nous rendre chaque jour auprès du Prophète de manière à nous instruire sur notre religion et à écouter les récits des révélations divines qu’il recevait. Je dis aux autres : "Nous irons voir le Messager de Dieu - paix et bénédiction de Dieu sur lui - chacun notre tour. Ceux d’entre vous qui souhaitent partir peuvent me laisser leurs troupeaux car je suis trop inquiet au sujet de mon propre troupeau pour laisser à quiconque le soin de s’en occuper."
Chaque jour, mes amis partaient, un par un, voir le Prophète, me laissant le soin de veiller sur leur troupeau. A leur retour, chacun m’informait de ce qu’il avait appris et je pus ainsi bénéficier des enseignements qu’ils avaient reçus. Très vite, cependant, je me ressaisis et me dis : "Honte à toi ! Est-ce pour un troupeau de moutons que tu demeures maigre et misérable, ratant l’opportunité d’être en la compagnie du Prophète et de lui parler directement sans intermédiaire ?" Suite à cela, je laissai mon troupeau et partis pour Médine. Je restai dans la mosquée près du Messager de Dieu, paix et bénédiction de Dieu sur lui."
`Uqbah n’eut aucune raison de regretter cette décision capitale. En moins de dix ans, il était devenu l’un des personnages les plus distingués parmi les Compagnons du Prophète et un excellent récitateur du Coran. Il devint également un commandant militaire, et plus tard, un éminent gouverneur musulman lorsque l’Islam se propagea d’Est en Ouest avec une rapidité fulgurante. Il n’avait jamais imaginé, lorsqu’il quittait son troupeau pour suivre les enseignements du noble Prophète, qu’il serait un jour en tête des forces musulmanes qui libérèrent la fertile Damas - connue alors sous l’appellation de Mère de l’Univers. Il n’avait jamais imaginé non plus qu’un jour il aurait une maison bien à lui, pourvue de jardins verdoyants, ni qu’il serait l’un des commandants qui contribuèrent à la libération de l’Égypte, alors connue comme l’Émeraude du Monde, ni qu’il serait l’un de ses gouverneurs.
Cette décision fut néanmoins prise. Seul, sans aucun bien ni famille, `Uqbah quitta le désert pour se rendre à Médine. Il resta avec ceux qui étaient dans la même condition que lui à la Suffah, cette partie supérieure de la mosquée du Prophète, situé près de sa demeure. La Suffah était une sorte d’espace d’accueil où les gens tels que `Uqbah demeuraient afin d’être proches du Prophète. Ils étaient connus comme étant les Ashâb As-Suffah, les Gens de la Suffah, et le Prophète les désigna un jour comme les Invités de l’Islam.
Du fait qu’ils n’avaient aucun revenu, le Prophète partageait toujours sa nourriture avec eux, et encourageait les autres à se montrer généreux envers ces "invités". Ils passaient la majeure partie de leur temps à étudier le Coran et à s’instruire sur l’Islam. Quelle merveilleuse opportunité avaient-ils là ! Ils étaient proches du Prophète et constamment en contact avec lui. Le Prophète avait une affection spéciale pour eux, il était bienveillant à leur égard et prenait soin de les éduquer et de pourvoir à leurs besoins quels qu’ils soient. `Uqbah cita un exemple de la manière dont le Prophète les instruisait et leur dispensait ses enseignements : "Un jour, le Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui - vint nous voir alors que nous étions assemblés à la Suffah. Il nous demanda : ’Lequel d’entre vous souhaite partir chaque jour en dehors de la ville ou dans une vallée pour se procurer deux magnifiques chameaux noirs ?’
Tala`al-badru `alaynâ *** Min thaniyyâtil-wadâ’
Wajabash-shukru `alaynâ *** Mâ da`â lillâhi dâ`
Ayyuhal-mab`ûthu fînâ *** Ji’ta bil-amril-mutâ`
Ji’ta sharraftal-madînah *** Marhabay-yâ khayra dâ`
Traduction
La pleine lune s’est levée sur nous, depuis les collines de Thaniyyât Al-Wadâ`.
La gratitude s’impose à nous, aussi longtemps qu’un prédicateur appellera à Dieu.
Ô toi qui a été envoyé parmi nous ! Tu es venu avec un commandement auxquels nous obéirons.
Tu es venu et tu as fait honneur à notre cité. Sois le bienvenu ! Ô toi le meilleur des prédicateurs !
Durant toute la procession du Saint Prophète, les gens manifestaient leur joie sur son passage, versant des larmes de bonheur et souriant joyeusement, le cœur rempli d’allégresse.
Loin de ces scènes de jubilation, se trouvait un jeune homme du nom de `Uqbah Ibn `Âmir Al-Juhanî. Il s’en était allé aux vastes lisières du désert, afin de faire paître son troupeau de moutons et de chèvres dans une végétation rarissime. Il avait longtemps erré à la recherche de fourrage pour ses bêtes affamées. Il était difficile de trouver un bon terrain de pâturage, et il appréhendait constamment que son troupeau périsse. Ils étaient tout ce qu’il possédait et il ne souhaitait pas les perdre.
L’allégresse qui avait envahi Yathrib, connue désormais comme la Cité Radieuse du Prophète, s’était bientôt répandue et avait atteint tous les coins du territoire. La bonne nouvelle de l’arrivée du Prophète parvint finalement à `Uqbah alors qu’il veillait sur son troupeau loin dans ce désert ingrat. Sa réaction face à cette nouvelle fut immédiate. Il relate lui-même l’histoire de sa rencontre avec le Prophète : "Le Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, était venu à Médine alors que je veillais sur mon troupeau. Lorsque j’appris la nouvelle de son arrivée, je me mis immédiatement en route pour le rencontrer. Dès que je le vis, je lui demandai : "Acceptes-tu mon serment d’allégeance, Ô Messager de Dieu ?
- Et qui es-tu ? me demanda t-il.
- `Uqbah Ibn `Âmir Al-Juhanî, lui répondis-je.
- Lequel préfères-tu, demanda le Prophète, le serment d’un nomade ou celui d’un Emigré ?
- Le serment d’un Emigré, répondis-je." Le Messager de Dieu prit alors mon serment d’allégeance comme il le fit avec les Emigrés. Je passai la nuit en sa compagnie en ville et retournai ensuite à mon troupeau.
Nous étions douze à avoir embrassé l’Islam mais nous vivions loin de la cité, occupés à garder nos moutons et nos chèvres en rase campagne. Nous parvînmes à la conclusion qu’il était préférable pour nous de nous rendre chaque jour auprès du Prophète de manière à nous instruire sur notre religion et à écouter les récits des révélations divines qu’il recevait. Je dis aux autres : "Nous irons voir le Messager de Dieu - paix et bénédiction de Dieu sur lui - chacun notre tour. Ceux d’entre vous qui souhaitent partir peuvent me laisser leurs troupeaux car je suis trop inquiet au sujet de mon propre troupeau pour laisser à quiconque le soin de s’en occuper."
Chaque jour, mes amis partaient, un par un, voir le Prophète, me laissant le soin de veiller sur leur troupeau. A leur retour, chacun m’informait de ce qu’il avait appris et je pus ainsi bénéficier des enseignements qu’ils avaient reçus. Très vite, cependant, je me ressaisis et me dis : "Honte à toi ! Est-ce pour un troupeau de moutons que tu demeures maigre et misérable, ratant l’opportunité d’être en la compagnie du Prophète et de lui parler directement sans intermédiaire ?" Suite à cela, je laissai mon troupeau et partis pour Médine. Je restai dans la mosquée près du Messager de Dieu, paix et bénédiction de Dieu sur lui."
`Uqbah n’eut aucune raison de regretter cette décision capitale. En moins de dix ans, il était devenu l’un des personnages les plus distingués parmi les Compagnons du Prophète et un excellent récitateur du Coran. Il devint également un commandant militaire, et plus tard, un éminent gouverneur musulman lorsque l’Islam se propagea d’Est en Ouest avec une rapidité fulgurante. Il n’avait jamais imaginé, lorsqu’il quittait son troupeau pour suivre les enseignements du noble Prophète, qu’il serait un jour en tête des forces musulmanes qui libérèrent la fertile Damas - connue alors sous l’appellation de Mère de l’Univers. Il n’avait jamais imaginé non plus qu’un jour il aurait une maison bien à lui, pourvue de jardins verdoyants, ni qu’il serait l’un des commandants qui contribuèrent à la libération de l’Égypte, alors connue comme l’Émeraude du Monde, ni qu’il serait l’un de ses gouverneurs.
Cette décision fut néanmoins prise. Seul, sans aucun bien ni famille, `Uqbah quitta le désert pour se rendre à Médine. Il resta avec ceux qui étaient dans la même condition que lui à la Suffah, cette partie supérieure de la mosquée du Prophète, situé près de sa demeure. La Suffah était une sorte d’espace d’accueil où les gens tels que `Uqbah demeuraient afin d’être proches du Prophète. Ils étaient connus comme étant les Ashâb As-Suffah, les Gens de la Suffah, et le Prophète les désigna un jour comme les Invités de l’Islam.
Du fait qu’ils n’avaient aucun revenu, le Prophète partageait toujours sa nourriture avec eux, et encourageait les autres à se montrer généreux envers ces "invités". Ils passaient la majeure partie de leur temps à étudier le Coran et à s’instruire sur l’Islam. Quelle merveilleuse opportunité avaient-ils là ! Ils étaient proches du Prophète et constamment en contact avec lui. Le Prophète avait une affection spéciale pour eux, il était bienveillant à leur égard et prenait soin de les éduquer et de pourvoir à leurs besoins quels qu’ils soient. `Uqbah cita un exemple de la manière dont le Prophète les instruisait et leur dispensait ses enseignements : "Un jour, le Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui - vint nous voir alors que nous étions assemblés à la Suffah. Il nous demanda : ’Lequel d’entre vous souhaite partir chaque jour en dehors de la ville ou dans une vallée pour se procurer deux magnifiques chameaux noirs ?’
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